Bien au contraire!
Tout au long de notre séjour à la Rudby farm nous avons pu expérimenter diverses activités toutes plus palpitantes les unes que les autres:
Allez, vous êtes prêts ?
Ça va être passionnant…
La « Loose » : Autrement dit, le tri du maïs. Toute la subtilité de cet art consiste à bien savoir tâter le bout des épis qui défilent à la vitesse de l’éclair sur un tapis roulant afin de déterminer rapidement ceux qui sont bons de ceux qui ne le sont pas.
Le « Prepack » : Épluchage et constitution de barquettes contenant 4 morceaux de maïs.
C’est de loin l’atelier le plus artistique, le but de cette activité étant de peaufiner la présentation (de beaux grains jaunes magnifiquement encadrés par de tendres feuilles vertes) tout en allant le plus vite possible bien sûr.
La vérification et l'emballage des barquettes sont une tâche à part entière incluant notamment la gestion de machines tombant en rade toutes les cinq minutes.
Le « Saw » : activité plutôt masculine (les deux premières étant exclusivement féminines) consistant à envoyer rapidement les épis se faire cisailler avant que ces derniers ne rejoignent les tapis roulants de la Loose ou du Prepack. Et les maïs ont intérêt à être coupés droits ! Sinon, ça barde. La petite distraction étant d’aller suffisamment vite pour mettre full la machine et entendre les filles crier "stoooop!!!" à la vue des mais débordant de partout et s’étalant sur le sol.
La constitution de palettes : activité masculine également, consiste à empiler les diverses caisses prêtes à partir dans le camion de livraison. Ça a l’air facile comme ça, mais faire une palette bien droite c’est tout un art… Et en fin de journée le calcul peut facilement monter à la dizaine de tonnes portées (et à un ou deux ongles cassés).
La gestion des boites est l’une des tâches les plus chouettes.
Il faut monter sur une échelle, regarder les autres trimer en bas et les approvisionner en boites, afin que surtout, ils n’en manquent pas (magnifique vue sur l’usine au passage).
Ce travail permet également d’accéder le temps d’une journée à un certain rang social au sein de la ferme car seuls ceux affectés à la gestion des boîtes savent le nombre de palettes demandées soit la durée approximative de la journée. Ils détiennent donc la réponse à la plus importante question que se posent le commun des mortels (ça et le nombre de trucks attendus…) et sont les premiers maillons du grand « Bouche à oreille » de la journée.
Le tri des haricots qui s’opère sur un tapis vibrant qui n’a pas son pareil pour refiler le mal de mer consiste à les débarrasser des herbes et autres tiges peu ragoûtantes. Eventuellement aussi des pauvres rongeurs, serpents et batraciens capturés lors de la récolte qui tombent à moitié morts entre tes mains. Bref, travailler aux haricots c’est toujours un peu le suspense… « Combien de petits cadavres vais-je devoir ramasser et jeter à la poubelle aujourd’hui ???? »
« Les Babycorns » est l’une des activités sollicitant le plus les facultés mentales des ouvrières de l’usine: armées d’un petit scalpel ces dernières doivent éplucher les dits babycorns avant de les disposer joliment sur des petites barquettes qui doivent peser entre 135 et 140 grammes. (Evidemment quelqu’un est affecté à la vérification du poids de chaque barquette avant de les envelopper dans un film plastique).
Le nettoyage des sols et des machines est une tâche exclusivement masculine qui consiste à rendre aussi parfait que possible tout le foutoir accumulé en une journée. Ce travail, simple en apparence peut durer jusqu’à deux heures voire deux heures et demi pour la partie « haricots » (et oui, ça demande du temps d’enlever tous les crapauds fondus dans la broyeuse).
Comme vous voyez, à la Rudby farm, il y a de quoi faire et chaque jour et un peu une nouvelle aventure!
Le seul souci c'est que ces tâches se doivent d’être exécutées dans un silence absolu et que répéter le (les pour ceux qui sont plus chanceux) même gestes pendant un certain nombre d'heures d'affilée…beaucoup d’heures…énormément d’heures... sans pouvoir papoter… Ben c’est très très chiant.
Heureusement nous avons réussi à trouver certaines parades permettant de penser à autre chose qu’à cette horloge qui n’avance pas :
Calcul mental de l'argent gagné, chaque heure, chaque demi-heure parce qu'au final on est là pour ça.
Bruno se rejouait mentalement des scènes de film d’action.
Moi j'animais intérieurement « radio Noémie » en bénissant mon cher cerveau de retenir aussi bien les paroles de chansons (même les plus inavouables)
Parfois aussi je laissais mon esprit divaguer au point d’entendre de la musique et de faire de mes mouvements répétitifs une sorte de chorégraphie un peu comme Björk « Dancer in the Dark ».
On prend le temps également de réfléchir aux blagues qu'on pourra raconter aux copains pendant le « smoko » ; la pause, toute les trois heures environ.
Parfois on prend même le risque d’échanger son prénom et quelques sourires avec la copine ou le copain d’à côté, en général taiwanais ou coréen, mais faut faire gaffe à pas se faire prendre !
Et puis sinon notre trépidante vie c'était les courses au supermarché du coin, la cuisine, et les papotages avec nos amis du camping.
C’est d’ailleurs affolant de constater notre tendance naturelle à causer travail, même si le travail en question est l’un des plus inintéressants du monde, ce qui donne des conversations telles que : « Ah, aujourd’hui le maïs n’était pas bon, ils ont dû le cueillir trop tôt, du coup à la Loose on jetait presque tout… Et toi les tomates (à un pote cueillant des tomates, par exemple), tu as eu de belles rangées ? »
Au secoooooour!
Rassurez-vous, on s’est aussi fait quelques chouettes balades le long de la jolie côte de Bowen, quelques baignades les jours où nous finissions tôt, des apéros bien sympas, un peu de bricolage sur le bichon...
Et puis deux sorties en bateau aussi! Oh oui, ça c’était vraiment chouette !
Pssst : Hé, ne croyez surtout pas que nous étions malheureux à l’usine ! Certes, le boulot en lui-même était gonflant au possible mais le personnel encadrant a toujours été très respectueux et arrangeant avec nous, comme ce n’est pas toujours le cas dans les emplois agricoles en Australie (et en général).